Cap sur le Festival/article Sud-ouest du 06.05.08
LYCÉE VICTOR-DURUY. --Le projet pictural d'Ana et Marie, deux élèves de terminale, est retenu pour le Festival des lycéens qui aura lieu en Dordogne les 15 et 16 mai
Cap sur le Festival
:Aude Ferbos |
Photo:
Valérie Champigny du Réseau A&a, et le sculpteur Christophe Doucet à droite encouragent Marie Douat et Ana Jovanovic dans leur réflexion artistique.
Un vendredi après-midi, au lycée Duruy. Dans une salle de cours, Ana la brune. Et Marie, l'autre brune. Un ordinateur sur un bureau, les mains attrapent l'air pour expliquer? le projet artistique que le duo défend pour le très sélect Festival des lycéens qui aura lieu à Marsac en Dordogne les 15 et 16 mai. Les filles sont à fond : elles en rêvent les yeux ouverts. « Mais vous réalisez ce que c'est un peu ? 5 000 lycéens passionnés qui se retrouvent pendant trois jours ? Trois jours à écouter des concerts, parler de ce qu'on aime ? Et puis trois jours sans cours !!! » Et puis 200 mètres carré consacrés aux arts plastiques et 13 projets.
Point commun. Mais il n'y a pas que ça. Pour ces deux-là, l'art est sacré. Les brunes se rencontrent pendant la Fête de la musique, lorsqu'elles sont en troisième. « Sans savoir qu'on est toutes deux passionnées par la peinture. » Un point commun qu'elles découvrent quelques années plus tard en se retrouvant côte à côte en cours d'arts plastiques. « Alors, on a commencé à se montrer notre travail respectif, à visiter des expositions ensemble ». Malgré les choix d'orientation qui désormais les séparent - Ana Jovanovic est en terminale arts plastiques, Marie Douat en économie - elles se retrouvent autour d'un objectif commun : être sélectionnées pour le Festival des lycéens. Encore fallait-il trouver un projet, la bonne idée qui saurait interpeller le jury (frac et Réseau A&a).
Mariage. La bonne idée, c'est un « mariage ». Le « mariage » artistique des deux filles, deux styles, qui travaillent ensemble sur un même support, chacune sur son bout de toile, et puis qui empiètent sur le territoire de l'une et de l'autre, pour créer au final, une seule et même ?uvre. Sous les yeux du public, et c'est le deuxième aspect de ce « mariage », l'alliance avec le spectateur pendant le processus artistique. Parce que ce n'est pas tant le résultat qui intéresse Ana et Marie que la performance en direct, de l'?uvre en train de se faire.
« Et si on détruisait même les traces de l'Oeuvre, qu'il ne restait rien ? »
« Nous avons eu l'idée en regardant en cours d'arts plastiques la vidéo sur Pablo Picasso qui peignait devant la caméra durant une heure, ce qui était très impressionnant car nous le voyions détruire ses esquisses et repeindre par dessus, laissant le spectateur curieux et surpris de la suite? », commentent les filles dans le synopsis de leur projet.
Trace. Un concept qu'elles veulent pousser jusqu'à son paroxysme : « Et si on détruisait même les traces de l'?uvre, qu'il ne restait rien ? », demande Ana, à Marie, et au sculpteur Christophe Doucet (1) venu encourager la démarche des filles. « On a rencontré Christophe Doucet il y a deux semaines. Au Divan. » Café pour Marie, thé au jasmin pour Ana, eau minérale pour lui. L'entrevue bouleverse le cours de « Mariage » et sort les filles d'une vision un peu trop « ronron ».
« Au départ, on voulait surtout peindre sur place pendant deux heures sur de grandes feuilles devant le public. Mais après l'entretien avec Christophe, on s'est dit qu'on pouvait aller plus loin dans le projet ». Alors, les méninges des filles commencent à chauffer. « Comment laisser la trace de ce qu'on est en train de faire par terre et qui évolue d'un coup de pinceau à l'autre ? » « On s'est dit qu'on allait prendre des photos du tableau, au fur et à mesure de son avancée, avec un polaroïd. » « Ça coûte cher un polaroïd ? » « Ou alors, avec un magnétophone on enregistre l'heure et le temps qui passe, et on diffuse le son en direct, en plus du visuel ». « Je me suis dit que ce serait intéressant qu'on n'arrive même pas à laisser une empreinte. Si on faisait tout brûler, qu'il ne restait rien ? Parce que finalement, on fait ça pour faire autre chose après, et puis encore autre chose? » « Ah non : moi je pense qu'il faut laisser une trace pour pouvoir parler du projet. » « Et si l'?uvre continuait à se faire toute seule, sans nous ? Avec des gouttes de peinture qui continuent à couler ? » Bref? Une performance artistique qui pousse la réflexion loin dans le cerveau en ébullition des deux filles qui ne sont pas prêtes de s'arrêter si vite.
(1) Christophe Doucet est l'auteur de la hache (« Outil ») exposée dans le square des anciens combattants pendant Mont-de-Marsan sculptures 2007.